Ouvrir l’espace courageux : un chemin de dialogue après la naissance
- estelle di zenzo
- 19 sept.
- 2 min de lecture
La naissance est un moment unique, souvent préparé avec soin, parfois idéalisé. Beaucoup de familles imaginent un accouchement respectueux, physiologique, sans intervention ni péridurale. Pourtant, la réalité peut s’écarter du projet initial : une douleur plus intense que prévu, un geste médical devenu nécessaire, une parole reçue de travers. Dans ces instants de grande vulnérabilité, il arrive que des malentendus ou des blessures s’installent, même sans intention de blesser. C’est là qu’intervient ce que j’appelle l’espace courageux : un temps et un lieu symbolique pour se retrouver, pour mettre des mots sur ce qui a été difficile, et pour retisser du lien de confiance.
Pourquoi un espace courageux ?
• Parce que la naissance est un moment d’extrême sensibilité : ce qui paraît anodin dans un autre contexte peut être vécu comme violent dans celui-ci.
• Parce que les professionnel·le·s de santé, malgré leur engagement, restent humains : fatigue, surcharge, maladresse ou humour mal reçu font partie du réel.
• Parce qu’un non-dit peut peser longtemps, altérant la relation de confiance, voire transformant un souvenir en traumatisme.
Les principes de l’espace courageux
1. Créer un cadre sécurisant
• Nommer dès le départ qu’il peut y avoir des moments difficiles.
• Poser que la parole est accueillie sans jugement ni reproche.
• Valoriser la réciprocité : patient·e et soignant·e ont le droit de s’exprimer.
2. Oser le retour sur l’expérience
• Proposer un temps de débriefing postnatal : à la maternité, lors d’une consultation, ou dans un rendez-vous dédié.
• Poser la question simplement : « Y a-t-il un moment qui vous a marqué et dont vous aimeriez reparler ? »
3. Écouter sans se défendre immédiatement
• Laisser la personne exprimer son ressenti, même si cela bouscule.
• Reformuler pour montrer que l’on a entendu.
4. Reconnaître et, si nécessaire, s’excuser
• Dire : « Je comprends que cela ait été difficile ».
• Oser reconnaître une maladresse ou une absence, sans se justifier à outrance.
5. Trouver une voie de réparation
• Parfois, il suffit que la parole circule pour apaiser.
• D’autres fois, proposer un accompagnement complémentaire (sage-femme, psychologue, groupe de parole). Comment l’intégrer dans la pratique ?
• En équipe : instaurer des temps de retour entre collègues, pour réfléchir ensemble aux situations délicates et soutenir la démarche.
• Avec les familles : informer dès la préparation à la naissance que ces espaces existent, pour normaliser l’idée qu’un dialogue peut être nécessaire.
• Dans le suivi postnatal : inclure un rendez-vous centré sur le vécu émotionnel de la naissance, au-delà du simple suivi médical.
Un acte de courage partagé Ouvrir un espace courageux, c’est accepter de regarder ensemble ce qui a fait mal. C’est une démarche exigeante : elle demande de l’humilité du côté du·de la professionnel·le, et de la confiance du côté des familles. Mais elle permet de transformer une blessure silencieuse en un dialogue vivant. Au cœur de ce processus, il y a une conviction : nous faisons tous de notre mieux, mais nous restons humains. Et c’est précisément en accueillant cette humanité – avec ses limites et ses élans – que nous renforçons le lien, que nous réaffirmons notre engagement, et que nous rendons la naissance un peu plus douce, même quand elle a été difficile.
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